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Intubation du nourrisson : vidéolaryngoscopie vs laryngoscopie directe

Vidéo Laryngoscopie chez le nourrisson

Intubation du nourrisson : vidéolaryngoscopie vs laryngoscopie directe

Commentaire de l'article : First-attempt success rate of video laryngoscopy in small infants (VISI): a multicentre, randomised controlled trial1. Garcia-Marcinkiewicz et al. Lancet 2020.

Publié le 07 Avril 2021 - Léa MAGNANI (DESAR-CHU Rennes)

Titre de l'étude

Taux de réussite au premier essai de l’intubation avec vidéo-laryngoscope chez le nourrisson: un essai contrôlé randomisé multicentrique.

Question évaluée

Les auteurs ont émis l'hypothèse que l'utilisation d’emblée du vidéo-laryngoscope avec lame standard augmente le taux de réussite d’IOT (Intubation Oro Trachéale) au premier essai avec moins de complications chez les nourrissons en comparaison avec la laryngoscopie directe.

Contexte de l’étude dans la littérature médicale

  • 1,5 millions d'enfants de moins d’un an sont opérés aux Etats-Unis dont la plupart nécessitent une anesthésie générale et donc une intubation.
  • La multiplication des tentatives d’intubation augmente le risque de complications telles que l’arrêt cardiaque et le décès2.
  • Chez les enfants difficiles à intuber, plusieurs études ont déjà démontré que d’utiliser la vidéo-laryngoscopie (VL) d’emblée augmentait le taux de réussite d’intubation au premier essai comparé à la laryngoscopie directe (LD).
  • Mais en ce qui concerne les enfants sans, à priori, critères d’intubation difficile, les données dans la littérature divergent : une méta-analyse de 12 essais randomisés comparant la VL et la LD chez des enfants de 28 jours à 18 ans avait conclu que la VL était associée à un plus haut taux d'échec d’IOT3. La conclusion inverse a été obtenue dans une autre méta-analyse comparant VL et LD chez les nouveau-nés4.

Type d'étude

Étude prospective, randomisée, contrôlée, multicentrique (4 centres hospitaliers aux Etats-Unis et 1 en Australie), de supériorité, en groupes parallèles et en simple aveugle.

Population étudiée

  • Étaient inclus des enfants de moins de 12 mois, subissant une chirurgie non cardiaque durant plus de 30 minutes et requérant une IOT.
  • Les enfants ayant des antécédents d’intubation difficile, des malformations cranio-faciales ou présentant des critères prédictifs d’intubation difficile à l’examen clinique étaient exclus.

Méthode de l’étude

  • Description du protocole
    • Les sujets inclus étaient répartis dans les deux groupes par une randomisation en blocs stratifiés sur le centre et l’expérience de la personne qui intube. Le groupe du patient n’était connu qu’au moment de l’intubation.
    • Au bloc opératoire, les drogues à l’induction étaient à la discrétion de l’anesthésiste, pour tous les patients un curare était utilisé. On pré-oxygénait le patient jusqu’à obtenir une réponse ou moins au TOF. La laryngoscopie était pratiquée avec le matériel attribué. Le recueil des données était effectué par un assistant chercheur qui assistait aux inductions et effectuait ensuite une revue des dossiers pour relever les évènements indésirables liés à l’IOT dans les 24 heures suivantes, avec validation ensuite par l’anesthésiste.
  • Critère de jugement principal (CJP)

    Pourcentage de réussite de l’IOT au premier essai avec le matériel attribué.

  • Critères de jugement secondaires (CJS)
    • Nombre de tentatives d’IOT,
    • Délai avant la réussite de l’IOT,
    • Taux d'échec d’IOT avec le matériel attribué,
    • Taux d’évènements indésirables sévères et non sévères,
    • Pourcentage d’ouverture de glotte à l’exposition.

Résultats essentiels

  • Sur 1859 enfants éligibles, seuls 564 ont été randomisés. 1295 ont été exclus, dont 795 car ils étaient induits en même temps dans plusieurs salles, 374 car ils présentaient des critères d’exclusion, 178 car le consentement des responsables légaux n’avait pas été obtenu. La randomisation était équilibrée : 282 dans chaque groupe.
  • Les caractéristiques des patients étaient bien équilibrées dans les deux groupes, sauf pour l’âge gestationnel (il y a en effet plus d’enfants prématurés dans le groupe VL). Il semble aussi y avoir une différence dans la méthode d’induction (10% d’induction aux gaz dans le groupe LD versus 14% dans le groupe VL) mais les auteurs ne le relèvent pas.
  • CJP : les auteurs ont réalisé une analyse en intention de traiter (ITT) modifiée pour le critère des jugement principal (exclusion des sujets pour lesquels une intubation n’était plus nécessaire ou pour lesquels le matériel attribué n’était pas disponible), 274 patients ont donc été analysés dans le groupe VL et 278 dans le groupe LD. Le taux de réussite d’intubation au premier essai était de 88% dans le groupe LD versus 93% dans le groupe VL soit une augmentation statistiquement significative de 5,5% du taux de succès avec la vidéo-laryngoscopie.
  • L’expérience de la personne qui intube ainsi que le centre et l'âge gestationnel ne semblent pas modifier l’effet bénéfique de la VL démontrée dans l’analyse principale. En revanche, une analyse en sous-groupes suggère un effet encore plus important chez les enfants de petit poids
  • CJS : les analyses sur les critères de jugement secondaires n’ont montré aucune différence significative entre les deux groupes, sauf pour la survenue d’effets indésirables graves, en particulier le taux d’intubation œsophagienne qui était moins élevé dans le groupe VL.

Commentaires

  • Points forts de l’étude

    C’est la première étude randomisée et contrôlée qui compare la VL et la LD dans une utilisation en routine chez les enfants sans critères d’intubation difficile. La VL diminue le taux d'intubation œsophagienne qui est pourvoyeuse de complications neurologiques graves, d’hypoxémie et de mortalité5. Au vu du nombre d’enfants subissant une anesthésie générale nécessitant une intubation chaque année, une augmentation de 5% du taux d’intubation réussie au premier essai est donc pertinente cliniquement.

  • Points faibles de l’étude

    Comme l’assistant chercheur était présent en salle, le double aveugle n’était pas possible. De plus, la question de la généralisation des résultats à la pratique réelle se pose. D’une part, le protocole impliquait une utilisation de curares de manière systématique, or ce n’est pas vraiment la pratique en routine en anesthésie pédiatrique. D’autre part le recrutement des sujets était effectué au bloc opératoire, en anesthésie programmée donc dans des conditions idéales d'intubation en excluant le contexte de l’urgence et de l’intubation estomac plein.

Conclusion

Cette étude montre une augmentation du taux de réussite d’intubation au premier essai avec la VL en comparaison à la LD chez le nourrisson de moins d’un an en anesthésie programmée et suggère une utilisation en routine du vidéo-laryngoscope chez le nourrisson.

Bibliographie

  1. Garcia-Marcinkiewicz et al. First-attempt success rate of video laryngoscopy in small infants (VISI): a multicentre, randomised controlled trial. The Lancet 2020.
  2. Cook TM, MacDougall-Davis SR. Complications and failure of airway management. Br J Anaesth 2012; 109 (suppl 1): i68–85.
  3. Abdelgadir IS, Phillips RS, Singh D, Moncreiff MP, Lumsden JL. Videolaryngoscopy versus direct laryngoscopy for tracheal intubation in children (excluding neonates). Cochrane Database Syst Rev 2017; 5: CD011413.
  4. Lingappan K, Arnold JL, Fernandes CJ, Pammi M. Videolaryngoscopy versus direct laryngoscopy for tracheal intubation in neonates. Cochrane Database Syst Rev 2018; 6: CD009975.
  5. Roberts WA, Maniscalco WM, Cohen AR, Litman RS, Chhibber A. The use of capnography for recognition of esophageal intubation in the neonatal intensive care unit. Pediatr Pulmonol 1995; 19: 262–68.

Abstract visuel

Videolaryngo et nourrissons visual abstract

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